Photographier les reptiles et amphibiens
Photographier les reptiles est le plus souvent dû au hasard des rencontres, même s’il est parfaitement possible d’aller là où ils se trouvent le plus souvent : les zones arides et caillouteuses ! Quant aux amphibiens, ils font partie de ces animaux que l’on retrouve à peu près partout, là où il y a de l’eau : étangs, rivières, lacs, mares et ruisseaux sont autant de milieux abritant des sujets attachants, dont les mœurs prévisibles ouvrent de nombreuses possibilités au photographe animalier.
Sous la bruine d’avril, une peau perlée affleure la surface ; plus loin, un dos écailleux s’échauffe sur une pierre tiède. La photographie herpétologique réunit ces deux mondes — aquatique et minéral — en une quête où chaque image se gagne à la lenteur et à la retenue. Ici, l’instant décisif n’est pas le déclenchement : c’est l’instant où l’on cesse de faire bouger l’air, l’eau, la lumière.

Le photographe naturaliste, respectueux du vivant, sait que l’approche conditionne tout. Chez les amphibiens comme chez les reptiles, le mouvement perçu — variation brusque de silhouette, ondes de surface, micro-soubresauts — déclenche la fuite bien avant toute autre alerte. Je vous propose une méthode concrète, sensible et techniquement rigoureuse pour créer des images denses, sans trahir l’animal ni son habitat.
Comprendre les sujets
Les amphibiens fréquentent mares, fossés, sous-bois humides, souvent actifs au crépuscule et après la pluie. Ils détectent les micro-variations du milieu : ride à la surface, vibration d’un pas, faisceau soudain. Les reptiles, eux, règlent finement leur température ; l’on croisera lézards en lisière et serpents sur dalles tiédies aux heures fraîches du matin. Leur vision est acérée, leurs réactions fulgurantes au moindre geste rapide.


L’éthique ne souffre aucune approximation : pas de manipulation, pas de blocage des voies de déplacement, pas d’acharnement photographique. On privilégie l’attente en affût, l’anticipation des trajectoires et des zones clés (bancs de sable, pierres exposées, berges en pente douce, et parfois affût flottant ou immersion pour les amphibiens), ainsi qu’une distance de travail sûre. La priorité reste la quiétude de l’animal : l’image vient à celui qui se rend presque invisible.
Lignes de conduite essentielles :
- limiter l’amplitude gestuelle ; fractionner l’approche (quelques centimètres, longue pause)
- éviter les ombres portées mouvantes et les ondes dans l’eau
- immobiliser tout ce qui pend (sangles, câbles)
- renoncer dès les premiers signes de stress (gonflement, fuite répétée, bâillements défensifs)
Préparer sa sortie herpéto
Le calendrier façonne les chances. Après une pluie douce et des températures clémentes, l’activité des amphibiens explose près des points d’eau. Par matin frais et ensoleillé, les reptiles s’exposent brièvement pour se réchauffer ; c’est alors le moment le plus propice pour une approche lente. L’idéal : repérages diurnes sans appareil (vous pouvez vous aider de jumelles !), notes discrètes, puis retour dans les créneaux d’activité.

Sur place, on identifie micro-habitats et couloirs : berges en paliers, pierres plates, souches moussues, talus secs jouxtant l’humide, mare de village. L’installation doit précéder l’animal : une fois posé, on réduit sa signature cinétique à presque rien. Des vêtements mats qui ne bruissent pas, des appuis stables et un itinéraire de retrait silencieux complètent la préparation.
Mouvement, vibrations et gestion des appuis
Le corps est un métronome. Pour ne pas « crier » sa présence, il s’agit de dissoudre ses gestes : lever l’appareil en deux temps, caler la respiration, déclencher à l’arrêt complet. Dans l’eau peu profonde, glisser les pieds pour ne pas créer d’ondes ; sur substrat dur, poser les pas à plat pour amortir les vibrations. Chez les lézards, la moindre variation angulaire attire l’œil ; chez les anoures, une ombre qui balaye l’eau suffit à rompre la scène.



Les supports comptent davantage que les caractéristiques techniques de votre appareil : mini-trépied, bean bag, genou au sol, coude calé, ou support flottant (pour les plus téméraires). Le camouflage est d’abord une affaire de cinétique : mieux vaut une tenue sobre immobile qu’un motif sophistiqué agité. Toute action mécanique (déplier un trépied, tourner une bague brutalement) doit être anticipée en zone « froide », loin du sujet.
Lumière et reflets
Les mares piègent la lumière ; l’eau miroir écrase les tons et masque l’animal. Un filtre polarisant circulaire, aligné proche de 90° avec la source, éteint les reflets de surface pour révéler ce qui se joue sous la pellicule ; desserré, il conserve un miroir poétique. Prix à payer : 1 à 1,5 IL de lumière en moins, qui allonge les temps de pose… Bien évidemment, cet artifice ne sera pas utilisable avec beaucoup de téléojectifs, dont le diamètre de la lentille frontale n’autorise pas de filtres.
Sur une peau écailleuse, les hautes lumières spéculaires se gèrent par l’angle : décaler de quelques degrés la position du boîtier ou l’incidence du faisceau change tout. L’histogramme devient la boussole : caler les hautes lumières « à droite » sans les brûler, particulièrement sur les zones brillantes et mouillées. En sous-bois, une lumière rasante douce magnifie reliefs et textures sans violence.
Au niveau technique
L’œil reste l’ancre du regard. En plan rapproché, la profondeur de champ se compte en millimètres : d’où l’impératif d’appuis stables et d’un déclenchement posé. Collimateur précis en AF ponctuel ou bascule en manuel lorsque la végétation provoque des pompages. Un bokeh propre naît d’une grande ouverture ; cependant, on ferme d’un cran si nécessaire pour « tenir » l’œil et la zone nasale (anoures) ou rostrale (squamates).

En plan large, l’hyperfocale donne à lire l’habitat : à f/8–f/11, avant-plan structurant (joncs, dalles, mousses) et sujet lisibles. Le décor cesse d’être un fond : il devient récit — amphibien dans la vase, reptile au soleil, deux dramaturgies que l’on réconcilie par la composition. Pour les plus téméraires, une combinaison de plongée vous permettra des images spectaculaires, en prenant soin de ne pas endommager le milieu !
| Scénario | Sujet | Objectif | Ouverture | Astuce d’approche |
|---|---|---|---|---|
| Portrait serré sur berge humide | Amphibiens | 90 à 200mm Macro | f/5.6-f/8 | Se poser avant la zone d’activité, gestes minimaux |
| Détail peau/œil en sous-bois | Amphibiens | Macro | f/7.1-f/11 | Éclair très diffusé, faisceau fixe |
| Reptile en thermorégulation matinale | Reptiles | 100 à 600mm | f/4-f/8 | Approche tangentielle, sans ombre portée |
| Ambiance habitat (lisière/mares) | Mixte | Grand-angle 16 à 28mm | f/8-f/11 | Polarisant selon reflet voulu, gestes lents. Hyperfocale. |
| Sujet sous l’eau | Amphibiens | Selon type de prise de vue | f/5.6-f/8.0 | Filtre polarisant si depuis la surface, sinon boîtier étanche |
Éclairer sans alerter
Ce qui effraie n’est pas seulement l’intensité lumineuse, c’est la variation rapide. Une lampe tenue fixe, faible, amenée depuis la périphérie, rassure mieux qu’un faisceau qui fouille la scène. En éclair électronique, l’usage reste parcimonieux : diffuseur large, puissance minimale, source idéalement déportée pour éviter l’« œil d’acier » et les éclats durs sur les écailles. Une ou deux expositions sobres, cadrage déjà calé, valent mieux qu’une rafale qui associe éclairs et micro-soubresauts.
Pensez réflecteur passif (carte blanche, mousse) pour réchauffer discrètement l’ambiance au crépuscule, sans bruit ni variation brutale. Si je m’y suis essayé, l’éclairage artificiel dans la nature n’a jamais été ma tasse de thé. Et avec les performances des boîtiers actuels, on peut très clairement s’en dispenser.
Sécurité et respect du vivant
La sécurité prime, pour l’animal comme pour l’humain. Connaître les espèces locales et leurs statuts de protection ; garder une distance de travail sage, notamment avec les serpents. Ne jamais manipuler : l’alternative éthique est d’attendre, ou de renoncer.
Côté hygiène, nettoyer bottes et trépieds entre sites (eau claire, séchage) pour limiter la dispersion de pathogènes. En sortie humide, enfermer le matériel dans son sac au retour pour une réacclimatation lente de quelques heures, et prévenir la condensation. Un protocole simple, invariable, qui protège à la fois l’équipement et les biotopes.
En résumé
Le matériel idéal…
- Selon l’approche, du grand-angle au super-téléobjectif : toute la panoplie du photographe animalier peut être utilisée ! Le matériel de base reste le télézoom de type 70-200 mm avec une bague-allonge, ou l’objectif macro de 90 à 200 mm de focale
- Pour les photos sous l’eau, un aquarium rectangulaire fera l’affaire avec les petits animaux (imagos de grenouilles, tritons et têtards notamment). Un caisson ou une pochette étanche sera indispensable si vous voulez vous jeter à l’eau
Pour le photographier…
- Patience et lenteur dans les mouvements indispensables pour approcher les amphibiens comme les reptiles
- Se placer à hauteur des sujets
- Évitez absolument le flash : leur peau luisante ne vous laissera aucune possibilité d’éviter les reflets disgracieux !
À savoir…
- Si vous êtes amené à manipuler des amphibiens, il est impératif de se mouiller les mains pour ne pas leur abîmer l’épiderme
- Beaucoup d’espèces de batraciens et de reptiles sont protégées : il est interdit de les capturer, sous peine de forte amende !
En savoir plus sur la photo herpétologique
Afin de creuser la question à propos de la prise de vue sur les reptiles et amphibiens, voici quelques astuces et techniques qui devraient, en plus des photos présentées et expliquées, vous apporter les informations complémentaires nécessaires pour votre pratique photographique !
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Fruit de 15 années d’expérience terrain, ce livre est la 3ème édition de mon best seller « Zoom sur la photographie animalière », sorti en 2010 puis réédité en 2012 aux éditions Pearson. Cette version remise au goût du jour et agrémentée de nouvelles photos, contient l’essentiel des informations pratiques pour mieux appréhender l’approche des animaux que nous pouvons croiser ici, en Europe.
