Photographier le cheval
Le cheval demeure certainement l’animal domestique le plus photographié à l’heure actuelle : fascinant de puissance et de beauté, utilisé par l’homme pour le travail et les loisirs depuis des siècles, il offre un panel de races et de couleurs extraordinaires, au travers d’une multitude d’activités qui font très souvent intervenir l’humain en tant que guide ou partenaire. Petit point sur la manière de le photographier…
La promiscuité de l’homme avec le cheval n’est pas sans poser des problèmes au photographe, puisqu’il est souvent bien difficile de trouver des sujets libres et dans des environnements quelque peu naturels et photogéniques. De plus, le sujet étant de taille, la photographie du cheval pose très souvent problème au photographe néophyte : balancé entre proximité forte du sujet et environnement souvent très humanisé entourant l’animal, il lui est bien difficile de réussir des photographies alliant attitude primitive et milieu naturel, sauf à se limiter aux portraits et gros plans. On pourra à l’inverse utiliser cette promiscuité pour mettre en valeur ses aptitudes à travailler et à se rendre utile pour l’homme.
On se focalisera donc généralement sur deux types de photographies : celles en milieu naturel et visant l’animal dépourvu d’équipements, et celles qui mettront en valeur son rôle auprès de l’homme, que ce soit au travers de pratiques sportives, de loisirs ou d’utilité.
Comportements et positions
Le cheval est un animal qui communique avec son corps : chaque comportement est précédé de signes qu’il est toujours utile de connaître pour le photographe, plus particulièrement lorsque ce dernier est amené à côtoyer les chevaux. En effet, si l’animal se montre généralement placide, une ruade ou un coup de sabot peuvent survenir et gravement blesser un homme.
Outre l’aspect esthétique qui en découle, la position des oreilles est un signe précurseur d’agressivité : les oreilles rabaissées en arrière, l’œil fixe, le cheval s’apprête à passer à l’action et à ruer. Dressées haut sur le crâne, elles sont signe d’attention et de sérénité, offrant à l’équidé une allure noble et fière.
Le cheval le cou tendu vers l’avant est également un signe précédant une action belliqueuse. Morsure ou coup de sabot sont les deux principaux moyens utilisés par le cheval pour manifester son mécontentement. Afin de prévenir tout risque d’incident, on évitera de passer derrière les chevaux sauf à garder une distance suffisante pour éviter le coup de sabot intempestif !
Parmi les comportements sociaux qu’il est possible d’observer chez le cheval, figure la toilette mutuelle : signe de soumission ou d’amitié, un cheval mordille l’encolure de son voisin, qui lui rend généralement la pareille. De la même manière, les chaudes heures d’été attirent les mouches et autres parasites, et les chevaux se placent alors tête-bêche, chacun chassant les mouches de la tête de l’autre avec sa queue.
Le cheval cligne souvent des yeux : surveillez vos prises de vue et n’hésitez pas à les multiplier quand vous travaillez en portrait ou en plans serrés sur des chevaux au repos. Il n’est en effet pas rare de réaliser des photographies avec un cheval yeux fermés quand on n’y prête pas attention.
Au pré : un problème d’espace
Le cheval étant un gros animal (les plus grandes races approchent, voire dépassent, la tonne), il lui est nécessaire de disposer d’espace quand il est en pâture : un hectare par cheval est nécessaire pour subvenir aux besoins habituels en herbe de ces animaux.
Malheureusement, les espaces sont souvent réduits et les chevaux complémentés en foin ou en grain. Ces espaces sont délimités par des clôtures suffisamment hautes pour éviter la fuite des animaux, et qui se fondent de fait bien difficilement dans l’environnement. Il est alors laborieux de cadrer convenablement nos sujets pour éviter d’avoir dans les arrière-plans d’inesthétiques piquets et autres fils électriques voyants !
Le choix de la focale ne changera rien à ce problème. Si l’environnement ne s’y prête pas et si l’espace manque, il n’y aura pas de solution possible. Ajoutez à cela la nécessité d’une bonne lumière et les rares moments d’attitudes photogéniques qu’offre le cheval dans sa journée, et il est aisé de comprendre qu’au final, la photographie de chevaux est une pratique compliquée, au-delà des difficultés techniques liées à la prise de vue.
La seule solution passera donc par un repérage systématique des lieux susceptibles de correspondre aux besoins d’une prise de vue. Idéalement, ils seront vallonnés, le relief permettant de masquer les délimitations matérielles des enclos et de jouer avec les courbes dans la composition de l’image. Le choix du point de vue sera fonction de l’heure de la séance photo, afin de bénéficier de la meilleure lumière : tôt le matin, ou en soirée quand le soleil décline et part se coucher.
Évitez de pénétrer dans un pré ou un enclos avec des chevaux que vous ne connaissez pas : certains étalons peuvent en effet se montrer particulièrement agressifs et défendre leur territoire. L’idéal est d’aller demander au propriétaire des animaux l’autorisation de les photographier, et le cas échéant lui proposer tout simplement une séance photo en sa compagnie, en échange de quelques tirages : beaucoup accepteront votre offre et vous apporteront peut-être des occasions inespérées de réaliser de beaux clichés !
En termes de prise de vue, l’usage des longues focales (a minima un zoom de type 70-200 mm, idéalement un téléobjectif ultralumineux de type 400 mm f/2,8 ou 500 mm f/4,0) est obligatoire pour un tant soit peu isoler son sujet dans la photographie. L’animal étant imposant, on pourra utiliser la pleine ouverture sans état d’âme étant donné les distances de travail nécessaires pour le cadrer intégralement.
La saisie des attitudes est un autre problème : le cheval peut passer jusqu’à seize heures par jour à brouter, tête baissée. On peut essayer d’attirer son attention en secouant énergiquement un sac en plastique, car très souvent les chevaux sont habitués au pain sec ou aux végétaux comme la carotte, apportés par leurs propriétaires ou par les amateurs de chevaux du voisinage. On disposera donc de quelques secondes pour immortaliser l’animal en mouvement.
L’aide d’un partenaire (qui se placera à quelques dizaines de mètres de vous et offrira la nourriture) permettra de saisir le cheval en mouvement de profil ou de trois quarts. N’hésitez d’ailleurs pas à amener des bouts de pain sec ou de préférence des carottes : les chevaux ne sont pas bêtes et ne s’y feront pas prendre par deux fois s’il n’y a rien à grignoter quand vous les appelez ! De la même manière, ne donnez pas tous vos aliments tout de suite, car les chevaux repartiront dès qu’ils auront compris que vous n’avez plus rien à leur offrir.
On ne donne pas n’importe quoi à manger à un animal domestique et plus particulièrement un cheval : un bout de pain trop mou peut entraîner une occlusion intestinale, et une pomme entière se coincer dans l’œsophage de l’animal gourmand.
De la même manière, évitez de jeter la nourriture au sol : les chevaux en troupeau sont des dominants et des dominés, et le coup de sabot peut vite arriver entre deux prétendants au même bout de pain ou de carotte !
Si vous en avez l’occasion, l’instant idéal pour réaliser des photographies de chevaux en mouvement demeure celui où ils sont lâchés dans le pré. C’est pour le cheval un moment de détente et de défoulement, offrant au photographe ruades, grands galops voire jeux de course entre chevaux s’ils sont plusieurs à être lâchés dans le même enclos. Enfin, certains chevaux bien dressés peuvent exécuter de magnifiques figures à la demande.
Au travail : mettre le cheval à l’avant de la scène
Le cheval harnaché et utilisé par l’homme est un sujet sortant un peu de la photographie animalière à proprement parler, mais il demeure un exercice intéressant à plus d’un titre : maîtrise de l’exposition et de la vitesse, indispensable rapidité des cadrages et de la composition, et surtout choix de l’instant dans le déclenchement seront les trois éléments primordiaux pour une photographie réussie !
Jouer sur la vitesse d’obturation pour mettre en valeur la vitesse ou au contraire figer un mouvement spectaculaire par un temps de pose très court est un grand classique. Le cheval au travail ne déroge pas à cette règle, et réaliser des filés en pose lente sur des chevaux en mouvement donne très souvent des photographies très esthétiques.
Si photographier le cheval au petit galop reste relativement facile pour peu que l’on anticipe le mouvement, le figer au galop rapide tient beaucoup plus de la chance ou de l’observation !
Une astuce consiste à écouter les impacts de sabots sur le sol et à déclencher en conséquence. Si par exemple vous souhaitez figer le cheval en suspens, les pattes regroupées, il suffit de déclencher sur le troisième temps du galop, en d’autres termes sur le « da » du « ta ga da » souvent utilisé par les enfants pour interpréter phonétiquement le bruit du galop. Le léger retard au déclenchement de votre appareil permettra de figer l’animal sur son temps de suspension.
Certaines manifestations équestres offrent des occasions de montrer l’animal dans un environnement humain, et l’utilisation de la vue d’ensemble peut donner de très belles photographies, transformant l’équidé en acteur incontournable de la scène. Les défilés et les rassemblements sont idéaux pour réaliser de fabuleux clichés d’ambiance.
Cependant, n’oubliez pas que mettre en valeur le cheval ne signifie pas forcément en faire le sujet principal de votre photographie. Utilisez la suggestion, les ombres et les formes pour apporter un peu d’originalité et de complémentarité à vos prises de vue plus classiques.
Bien que non cavalier et ayant littéralement la phobie des chevaux (!) j’ai toujours aimé photographier cet animal, d’abord pour sa prestance, mais aussi pour ses attitudes, et toutes les possibilités que le cheval offre en matière de photographie. J’ai souvent été édité dans la presse magazine et l’édition pour mes photos de chevaux, issues de bien des séances, dans toutes les conditions possibles et imaginables de lumière et de météo !
Ce fut également pour moi l’occasion d’éditer un calendrier photo à personnaliser, en édition limitée qui s’est vendu comme des petits pains ! Il faut dire que les photos de chevaux présentent (avec les chatons) mes photos les plus « empruntées » sur le web : normal qu’il ait eu autant de succès !
En résumé
Le matériel idéal…
- Téléobjectif de type 70-200 mm, longue focale lumineuse (400 mm ou plus) sur les sujets au pré
Pour le photographier…
- Quand il est au pré, possibilité de l’attirer avec de la nourriture (carottes, pommes coupées en quartiers)
- Éviter les fonds disgracieux (clôtures et autres barrières) en repérant les endroits les plus adaptés à la prise de vue
- Faire du cheval l’acteur principal de vos photographies quand il est au travail ou utilisé par l’homme
Attitudes à connaître…
- Savoir repérer les signes précurseurs d’agressivité quand on est au contact direct des chevaux
- Anticiper le déclenchement en écoutant ses pas quand il est au galop
- Surveiller la position des oreilles
En savoir plus sur la photo de chevaux
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