Pour changer des sempiternelles photographies réalisées au jardin, il est possible d’opter pour des mangeoires en forêt (qu’il conviendra d’alimenter de manière régulière, au même titre que toute mangeoire) à proximité desquelles on positionnera un affût… À l’image de ce magnifique mâle grosbec casse-noyaux, immortalisé depuis un tel affût monté avec mon ami Cris.

EOS 5D mark II + Sigma 500/4.5 EX HSM, depuis affût en forêt
f/5.0, 1/3200ème, 1000 ISO
L’arrière-plan aux couleurs automnales a été obtenu par le choix judicieux de l’endroit par mon collègue d’affût, offrant une vaste étendue de fougères jaunies par le froid à l’arrière-plan, mais assez éloignées des branches mises à disposition des oiseaux, pour ne jamais apparaître à l’arrière-plan des clichés 😉
À CONSULTER ÉGALEMENT : Pour en savoir plus sur les oiseaux…
On me demande souvent de décrire les conditions de prise de vues des photographies présentées sur ce blog, aussi j’ai décidé pour une fois d’aller un peu plus loin que l’habituel résumé !
Making off : l’affût, les oiseaux…
Monter un affût en sous-bois n’est pas très difficile : il suffit de disposer d’un endroit calme, d’un peu de patience, de quelques outils et de ficelle ! Mode d’emploi, en trois étapes…
1ère étape : le choix du terrain
Il faut bien évidemment veiller à ne pas réaliser votre construction sur un terrain privé où vous n’avez pas l’autorisation, et privilégier des bois facilement accessibles et dans la mesure du possible non exploités ! Les forêts domaniales (gérées par l’ONF) sont généralement de bons choix si vous disposez un affût pour une courte durée (quelques semaines), il faut simplement veiller à éviter les zones en cours d’exploitation mais aussi les zones chassées (au moins en hiver).
Utilisez le site Geoportail si vous devez rechercher le propriétaire d’un terrain pour une demande d’autorisation. Outre le fait qu’il permet d’afficher les cartes IGN et des vues aériennes précises de l’ensemble du territoire, il offre également la possibilité d’afficher les limites des parcelles administratives, ce qui facilitera votre travail de recherche si vous vous rendez en mairie pour voir le cadastre !
Entre autres critères de choix, privilégiez un endroit offrant un passage correct de la lumière (idéalement non loin d’une lisière ne permettant pas un accès direct : cela évitera les visiteurs indésirables !), avec un arrière-plan bien dégagé pour permettre de jolis flous sur vos photographies.
Veillez également à ce que l’affût soit suffisamment éloigné des chemins : cela limitera les risques de vandalisme durant sa durée d’exploitation.

Nous avons pour l’occasion opté pour une toute petite parcelle de l’ONF non exploitée actuellement, où nous avons installé quelques mangeoires discrètes mais très accessibles (quelques mètres depuis la voiture pour deux d’entre elles) et où nous avons donc monté un petit affût temporaire vers la plus éloignée, affût qui sera aisément démontable dès que l’hiver se terminera : l’objectif est de rester transparent autant pour la nature que les personnes qui se rendront plus tard dans la parcelle pour y travailler.

On veillera bien évidemment à l’orientation de l’ensemble affût/zone de photographie de manière à bénéficier des meilleures lumières, ou de privilégier celles du matin ou du soir.
2ème étape : la confection
Point de tutoriel (ce n’est pas l’objet de l’article !) mais simplement quelques conseils pratiques :
- Appuyez-vous sur des arbres pour faciliter l’intégration au paysage (Cris, qui a choisi l’emplacement, a opté ici pour un gros arbre à deux troncs : un choix judicieux, car occultant tout un côté de manière efficace)
- Utilisez des branches pour l’assemblage des parties porteuses (dans l’idéal privilégiez des végétaux déjà coupés : nous avons eu de la chance, nous en avions pléthore à disposition !), et des branches plus minces, fixées de manière transversale, pour assurer la rigidité des parois et permettre l’accrochage des éléments de camouflage
- L’assemblage se fera avec de la ficelle : pas de clous, ni de vis dans les arbres vivants !
- Utilisez de la toile imperméable pour l’étanchéité (voir chez les revendeurs en ligne, par exemple ici, mais aussi dans les surplus militaires) et du filet camo premier prix pour les zones de visibilité
Si votre affût n’est pas destiné à être utilisé plus de quelques semaines, ne perdez pas de temps à faire une construction « haut de gamme » (surtout si vous n’y passez qu’une heure ou deux à chaque séance de prise de vue)

Le « camouflage » extérieur sera constitué de branchages, idéalement prélevés sur des arbres morts (nous avons eu la chance d’avoir des tas de petites branches à proximité : bien pratique !) mais également de manière éparse sur la végétation environnante.

Enfin, il faudra disposer quelques perchoirs photogéniques, à défaut d’utiliser des branches ou des troncs existants, et y apposer une mangeoire (nous avons opté pour un bricolage à partir de tubes de canalisation en PVC, assemblés par Cris – qui n’a pas deux mains gauches comme moi 😉 – avec des bouts de planche et remplis de graines de tournesol. Idée à l’origine donnée par mon ami Jean-Jacques et qu’il a présenté récemment sur le forum BeneluxNaturePhoto)
Veillez à ce que la distance entre l’affût et les zones de prise de vue ne soit pas trop courte pour les « grosses » espèces comme le geai des chênes ou le pic épeiche : une distance de 5 à 6 mètres me semble le minimum acceptable si vous travaillez avec une focale équivalente à 500mm (quitte à recadrer !)

3ème étape : la prise de vue !
Partie la plus agréable de l’aventure (sous réserve de réussite !), la prise de vue se fait par séances d’une à trois heures. Ceci permet de tester les meilleures périodes de la journée et de varier les lumières obtenues sur ses sujets, sans subir trop longtemps les mauvaises conditions liées à la précarité de notre construction (froid, humidité, confort très relatif…)
Si comme Cris et moi, vous travaillez à deux sur le projet, il sera d’autant plus aisé d’entretenir et d’exploiter pleinement l’endroit (approvisionnement en graines, séances de prise de vue, accoutumance des oiseaux au bruit du déclenchement, etc.)

EOS 5D mark II + Sigma 500/4.5 EX HSM, depuis affût en forêt,
f/5.0, 1/250ème, 1000 ISO, +0.6 EV
Les premières espèces généralement constatées sont les mésanges : charbonnières et bleues sont les plus communes, suivies des nonnettes (nous concernant !) ; suivent ensuite les autres espèces communes granivores : sittelles, pics, grosbec, pinsons… Et parfois d’étranges visiteurs, à l’image d’un bruant des roseaux (!) que Cris a photographié récemment !

EOS 5D mark II + Sigma 500/4.5 EX HSM, depuis affût en forêt,
f/5.0, 1/500ème, 1000 ISO, +0.6 EV
Il faudra veiller lors de la prise de vue à ne pas photographier bien entendu les graines et leurs supports. Enfin, tâchez de réaliser des photos de comportement (ce que je n’ai pas encore réussi à faire, même si j’ai raté quelques belles occasions !), bien plus intéressantes que les vues posées présentées dans cet article !

EOS 5D mark II + Sigma 500/4.5 EX HSM, depuis affût en forêt,
f/5.0, 1/1250ème, 1000 ISO
En conclusion : la photo… et le plaisir !
Construire son propre affût est toujours excitant, ramener des images grâce à cette réalisation est une récompense qu’attend tout photographe de nature motivé et patient… Mais bien au-delà des images, quel plaisir que de s’immiscer dans l’intimité des animaux, de voir et d’entendre les oiseaux venir décortiquer les graines à quelques centimètres au-dessus de votre tête, sur l’affût !
Des ouvertures de notre cachette, ce sont également lièvres de passage, écureuils fouineurs et oiseaux peureux que nous avons pu observer. Je ne doute pas de voir débouler de nouvelles espèces lors de nos prochaines séances, qui passeront à quelques mètres de nous, sans nous démasquer… Indéniablement notre plus belle récompense 🙂




