L’essor des technologies numériques et la facilité donnée aux particuliers pour entreprendre et gagner leur vie en exerçant leur passion n’a jamais autant poussé les gens à créer leur entreprise.
La photographie n’échappe pas à cette tendance et si le nombre de photos prises a littéralement explosé avec l’avènement des smartphones, de plus en plus performants, les personnes attirées par le monde professionnel de l’image sont de plus en plus nombreuses.
Quel est la solution quand on veut créer son entreprise pour devenir photographe indépendant ?
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Photographe en 2021 : une passion, trois professions
Être photographe professionnel ne signifie pas seulement « faire des photos et les vendre » : il existe en effet, en France, trois disciplines qui ont pour point commun la prise de vue, mais qui s’inscrivent dans des pratiques finalement assez différentes :
- Auteur photographe (ou photographe-auteur) : assimilé à un artiste, l’auteur photographe dépend de l’AGESSA (depuis peu sous la coupe de l’URSSAF du Limousin) et réalise des clichés à vocation artistique avant tout
- Artisan photographe : il s’agit d’un prestataire, celui qui propose ses services autant aux entreprises qu’aux particuliers. Il peut vendre des objets dérivés, réaliser des shootings et faire de la photo sociale (mariages, baptêmes, etc.) ce que l’auteur ne peut pas faire
- Le photographe de presse : ce statut, exclusivement salarié, concerne les photographes travaillant pour les organes de presse, le plus souvent la presse quotidienne régionale.
Du fait de sa particularité, je ne parlerai pas ici du photographe de presse, qui est un statut à part et inadapté à une activité indépendante.
Le statut d’auteur-photographe
Ce statut de « photographe d’art » est principalement rémunéré au travers de la cession de droit d’auteurs sur des photos qui doivent être originales et uniques. L’auteur photographe peut donc exercer son activité au travers de trois pratiques commerciales :
- La photographie de commande, où il réalise pour le compte d’une personne morale (entreprise, association, agence de publicité, etc.) des photographies sur lesquelles il sera rémunéré en droits d’auteur, en sus des frais techniques et de mise en œuvre
- La cession de droits d’auteur sur des photographies de sa photothèque, déjà réalisées (le cas de la majorité des photographes animaliers et de nature)
- La vente d’œuvres originales en nombre limité
Il ne peut donc absolument pas réaliser de prestations pour le grand public : photographie d’identité, mariage, baptêmes lui sont interdits puisqu’il ne peut facturer à des particuliers. Il ne peut pas non plus réaliser de prestations de services aux entreprises ou administrations (photo scolaire par exemple).
Juridiquement, il ne peut pas opter pour le statut d’auto-entrepreneur (régime à ne pas confondre avec la micro-entreprise, qui est, elle, parfaitement possible pour les auteurs photographes) puisque ce dernier est incompatible avec cette activité. Il dépend directement de l’AGESSA, le régime de sécurité sociale des artistes auteurs, et de l’URSSAF (du Limousin, qui centralise les auteurs photographes en France).
Jusqu’à 42600 € de chiffre d’affaires, l’auteur photographe est en franchise de TVA. Il doit donc explicitement indiquer sur ses factures la clause « TVA non applicable, art. 293B du CGI ». Au-delà, des taux spécifiques s’appliquent, et sont avantageux :
- 10% pour les cessions de droits
- 5.5% pour la vente d’œuvres d’art numérotées (dans la limite de 30 exemplaires, et de son vivant)
D’un point de vue fiscal et social, ce statut est assez avantageux :
- L’auteur photographe est exempté de la CET (Contribution économique territoriale, ex Cotisation Foncière des Entreprises), parfois très élevée puisque dépendant des régions et communes
- Les cotisations sociales sont réduites par rapport aux statuts URSSAF
- L’affiliation à l’AGESSA permet de bénéficier de la couverture sociale des salariés
- Il peut choisir parmi 5 niveaux de retraite complémentaire (IRCEC-RAAP) réellement intéressants
- Comme vu précédemment, les taux de TVA sont réduits
- L’auteur photographe est exonéré de CFE (Cotisation foncière des entreprises)
Mais deux inconvénients majeurs restent liés au statut même de l’auteur :
- Il est impossible de travailler avec les particuliers (sauf vente d’œuvres d’art)
- La complexité administrative peut effrayer certaines entreprises clientes… et certains photographes, surtout depuis que la gestion a été retransmise à l’URSSAF !
Le statut d’artisan photographe
Ce statut est le plus connu et probablement le plus utilisé en France : c’est celui de « photographe professionnel » permettant de prendre en charge pour ainsi dire tous les types de travaux photographiques possibles. Le terme « artisan » est d’ailleurs galvaudé, mais il est tombé dans les mœurs puisqu’il y a quelques années, il fallait justifier d’une expérience réelle de plusieurs années pour s’arroger le titre en question.
L’artisan photographe peut exercer tous types de prestations photographiques :
- Photo sociale (mariages, baptêmes, portrait, etc.) et toute prestation de service aux particuliers
- Prestations de services aux entreprises et associations
- Vente de photographies
- Etc.
Fiscalement, l’artisan photographe peut exercer comme auto-entrepreneur, entreprise individuelle (typiquement EIRL) ou sous forme sociétaire (SASU par exemple) ; les débutants optent très souvent pour le premier statut, qui offre de nombreux avantages, notamment déclaratifs.
Les avantages de ce statut sont nombreux :
- Les démarches administratives sont extrêmement simples, puisque l’inscription se fait en ligne, et gratuitement !
- Les taxes sont indexées aux revenus (si le photographe ne gagne rien, il ne paye aucune taxe !)
- Avec une déclaration au choix trimestrielle ou mensuelle, il est possible d’opter pour le prélèvement libératoire à l’impôt sur le revenu : un taux fixe, très facile à appréhender en termes de gestion au quotidien ! Et une fois ses charges réglées, le reste est net d’impôts !
- Sur une création d’entreprise on peut bénéficier de l’ACRE (aide à la création d’entreprise), ce qui permet d’avoir des charges réduites les deux premières années d’exercice (11% seulement la première année).
Au titre des inconvénients, on peut à contrario citer :
- L’impossibilité de facturer des droits d’auteur (même s’il peut facturer sous forme de prestations)
- L’impossibilité de déduire ses charges (et investissements)
- L’obligation de payer annuellement la CET (Contribution économique territoriale) à partir du 4ème exercice d’activité
- Le plafonnement de ses revenus à 72600 € en 2021 (au-delà il devra changer de statut)
- L’assujettissement à la TVA dès 34400 € de chiffre d’affaire (à partir du mois où le dépassement aura lieu)
Autoentrepreneur : la solution de facilité pour débuter
Au vu de tous ces éléments, il est clair que le débutant doit opter pour le statut d’autoentrepreneur, et ce pour 4 principales raisons :
- La simplicité administrative (inégalable !!!)
- Les taux de prélèvement qui restent très raisonnables (d’autant plus s’il bénéficie de l’ACRE, Aide à la Création ou la Reprise d’Entreprise, les deux premières années)
- Le fait que généralement, il possède déjà son matériel photographique et n’aura donc (presque) pas d’investissements à prévoir
- Prise de risque très réduite : S’il se plante ou ne fait pas de chiffre, ça ne lui coûtera RIEN
Je rajouterais pour ma part le fait que, contrairement à un statut sous forme de société ou d’entreprise individuelle (EIRL), il n’y a aucune obligation en termes de comptabilité : il suffit de déclarer son chiffre d’affaires en ligne, et de payer le taux correspondant !
La simplicité administrative est un élément primordial à mes yeux, tant j’ai dans le passé souffert au travers de mes nombreuses expériences, et clairement préféré le statut d’autoentrepreneur, même si me concernant il ne s’agissait pas de photographie (j’ai successivement créé une micro-entreprise comme auteur photographe, puis une entreprise agricole pour de l’élevage de chats, puis une SARL, puis une autoentreprise 3 ans après… et depuis début 2021, une SASU !)
Pourquoi j’ai quitté l’AGESSA / URSSAF
La raison, je l’ai donnée ci-dessus. Oui, lorsqu’on est auteur-photographe, les taux de prélèvement sont plus satisfaisants que pour un artisan photographe. Clairement.
Mais depuis le passage du statut d’auteur sous le giron de l’URSSAF (du Limousin, qui centralise au niveau national tous les photographes auteurs de France), force est de constater que ce qui fonctionnait plutôt bien avant, s’est complexifié et est devenu une usine à gaz où il est bien difficile de s’y retrouver !
Devant ce flou artistique, qui a duré près de deux ans (je ne sais toujours pas si aujourd’hui il en est toujours de même), j’ai préféré jeter l’éponge, mes revenus d’auteur étant devenus anecdotiques. Précision toutefois : je suis aujourd’hui président d’une SASU dans un autre domaine d’activité, me permettant d’intégrer des prestations photographiques (puisque je les ai prévues dans mes statuts !)
Si je devais aujourd’hui me relancer dans l’aventure photographique, il est clair et net que j’opterais, sans aucune hésitation, pour le statut d’autoentrepreneur !