Début d’après-midi : c’est mon dernier jour de vacances, et j’aimerais bien le mettre à profit pour faire quelques clichés sur la Seine. Depuis quelques jours, je reviens sans cesse vers cette petite rivière qui passe à quelques kilomètres de chez moi, avec un débit ne laissant pas imaginer ce qu’elle deviendra quelques centaines de kilomètres plus en aval.
Longeant le petit chemin jouxtant le cours d’eau, je m’imprègne des bruits et des odeurs qui règnent dans ce milieu que j’aime tant. Non loin de là, un pont piéton en arc de cercle, étrangement affublé d’une « fontaine » qui tombe bruyamment dans la Seine, rompt le trajet sinueux de l’eau peu profonde et poissonneuse. C’est un passage obligé pour rejoindre l’endroit où je vais dresser pour la troisième fois en quelques jours mon campement, devant laisser ma voiture sur l’autre rive, au terminus d’un chemin caillouteux.
L’Aube n’étant pas un département très vallonné, il est difficile – impossible ! – d’y trouver des torrents : aussi, lorsqu’une rivière offre à ses hôtes quelques rochers pour former un semblant de « cascades », c’est le photographe qui jubile ! Car l’endroit est bien occupé : le martin pêcheur va et vient, poussant son cri caractéristique et filant comme une flèche bleue devant mes yeux ravis. Le cincle plongeur, lui aussi, passe et repasse, allant et venant se poser ici ou là. Les autres oiseaux ne sont pas en reste : un geai vient prendre son bain sur l’autre rive, profitant d’un petit bras d’eau peu profonde !
Mais celle qui m’attire aujourd’hui, c’est une autre habituée des rapides : la bergeronnette des ruisseaux (Motacilla cinerea). Se distinguant de sa cousine printanière par ses tarses roses à brun – les autres bergeronnettes les ont beaucoup plus foncés – et par sa queue plus longue qu’elle balance frénétiquement, la bergeronnette des ruisseaux est constamment active et vole avec brio au-dessus du cours d’eau, allant et venant à la recherche de larves qu’elle ira pêcher en s’accrochant aux rochers, ses pattes baignant parfois dans l’eau courante.
Bergeronnette des ruisseaux
EOS 5D mark II + Sigma 120-300/2.8 OS à 300mm + Canon x2 III
f/6.3, 1/125ème, 1600 ISO
Assis sur de gros cailloux bordant la rivière, accolé contre un arbre lacustre dont j’ai attaché les branches basses pour avoir un champs de vision acceptable de mon « spot » à bergeronnettes, j’ai choisi de revêtir ma ghillie suit, cette tenue de camouflage si efficace qu’un promeneur peut passer à quelques mètres de vous sans même vous voir… Je n’ai pas trop le choix, l’endroit n’étant pas adapté pour poser une tente d’affût : le terrain est fort pentu, et l’eau que je surplombe, profonde de cinquante bons centimètres, ne m’offre guère d’autres opportunités : j’ai renoncé à venir en waders !
Si la réussite de quelques clichés m’a conforté dans ce choix, je garderai à l’esprit le comportement du cincle, peu enclin à venir se poser sur ces rochers que je le vois tant affectionner lorsque je l’observe à bonne distance : il ne fait nul doute que mon camouflage ne l’a pas convaincu et qu’une tente d’affût aurait été préférable ! Et pourtant, durant mes trois dernières heures d’affût, une jeune poule d’eau viendra maladroitement fouiller la rive face à moi, accompagnée de l’un de ses parents ; une bande de mésanges charbonnières passera 10 bonnes minutes à zinzinuler à quelques centimètres au-dessus de ma tête, dans des ballets incessants entre les branches et les feuillages ; un grèbe castagneux plongera à maintes reprises sur ma droite, juste au-dessus de la petite cascade que je guette : tous ne sont pas si méfiants que le merle d’eau !
Dans les moments creux, j’observe un opilion (araignée à très longues pattes) qui va et vient sur le tronc voisin, accompagné d’insectes variés dont j’ignore le nom. Une libellule « gros porteur » – un Anax empereur – rôde le long des berges, provoquant un incroyable déplacement d’air parfois perceptible à la surface de l’eau ! Des bruissements dans les feuilles, derrière moi, révèlent sans doute la présence d’un petit rongeur.
Doucement bercé par le bruit de l’eau qui s’écoule, je suis bien et je m’endormirais certainement dans la tiédeur de l’après-midi, si je n’étais maintenu éveillé par cette envie de ne pas rater le moment opportun, où l’oiseau viendra se poser là, devant moi : le temps d’une photo…
Salut Cédric
Tu devrais plus souvent nous gratifier de prose comme celle ci car j’ai pris beaucoup de plaisir a te lire. Si un jour tu sors un livre de belles photos (pas un livre technique) garde ce texte, il conviendra très bien 🙂
Salut Régis
Merci pour ton avis 🙂
On dira que ça me trotte dans la tête… C’est, dans le genre, mon troisième billet sur le blog (les deux précédents essais datent un peu désormais) ; c’est un essai « risqué » dans le sens où les gens, généralement, n’aiment pas trop lire sur écran, mais bon visiblement ça plaît 😉
Bonjour !
Je vois que le Sigma a été monté avec le doubleur Canon, garde-t-on l’autofocus, comme si c’était un doubleur Sigma ?
Merci pour tous ces posts aussi sympas les uns que les autres.
Oui bien sûr 🙂
On garde l’AF !
Excellent ! Comme Canon, à la différence de Sigma, ne permet pas l’utilisation de son doubleur avec les focales inférieures à 135mm même sur un objectif Canon, je n’osais croire qu’il fonctionne avec un Sigma, à 120mm de surcroît…
C’est la bonne nouvelle de la journée ! Merci !
jolie narration!
je ne pensais pas qu’il y avait des cincles plongeur dans la seine vers chez toi, pour moi il était cantonnés au ruisseau montagneux.
Bonne reprise en tout cas 🙂
seb
Bonjour,
Par chez moi ils nichent au bord des lagunes assainissement, à 200m d’altitude. Ça m’a étonné aussi.
La photo est intéressante et le texte qui l’accompagne l’est tout autant
Il ne faut pas que tu hésites à nous en proposer d’autres même si comme tu le précises cela complique la tache de certains visiteurs qui ne peuvent veulent lire un texte sur un écran
De mon bureau je ne vois que des tours alors j’avoue que ce post m’a emmené très très loin … proche de ma haute-marne natale 🙂
Merci Cédric !
Un vrai poète, tu vas me tirer les larmes !
Oui le texte est très agréable a lire. On a vraiment l’impression d’y être:)
J’aime quand les photos sont accompagnés de leur histoire!
Très jolie texte et très jolie photo dans les tons bleus.
(Ton +1 ne semble pas marcher sur mon ordi?)
Tu en es où du test de la chaise tente affût?
@+
Effectivement, le « +1 » avec commentaire plante lamentablement et je ne sais pas pourquoi 🙁
Ma tente d’affût : je m’en sers, le test est prévu mais bon, ça sera pas pour tout de suite (cet hiver j’ai prévu de m’en servir… beaucoup !)
Hop ! Le « +1 » est réparé !
Un récit superbement illustré, très plaisant à lire, bravo !
(Une petite question matériel :
je vois que tu as couplé ton 120-300 avec le canon x2III pourquoi ne pas avoir choisi l’ext sigma alors que tu possèdes le 500mm & un 150 ?)
Ah ahhh… Bonne question 🙂
Disons que c’est une question de pérennité ! Le doubleur Canon est donné aujourd’hui comme étant (de loin) le meilleur du marché, et je n’exclue pas un jour de basculer vers un « gros blanc » !
Salut Cédric,
Je suis surpris. Qu’est-ce qui t’a permis d’en arriver à cette conclusion? Le « loin devant » m’inquiète » étant possesseur du doubleur Sigma dernier en date.
Sur 120-300 (ou sur optique Sigma) la différence est certainement indécelable.
Sur optiques Canon, la différence est palpable 🙂
Mon jugement porte sur l’ensemble de mes objectifs (c’est ce qui a orienté mon choix sur le doubleur Canon – le seul du marché à intégrer de la fluorite me semble-t-il !)
Il me semble bien avoir pu apprécier le fait que les bergeronnettes des ruisseaux étaient tout aussi vigilantes que les cincles et prompt à nous démasquer. Leur distance d’approche semble un peu plus courte en revanche ; mais je manque un peu d’expérience pour l’affirmer catégoriquement.
Pour ma part j’ai noté une différence palpable de comportement entre les cincles en Ariège (observés en 2007), donc en montagne, et les cincles sur la Seine.
Je me trompe peut-être mais le territoire du cincle en plaine me semble plus vaste (du simple fait de la géographie) qu’en montagne. En montagne, c’était beaucoup plus facile car plus enclavé, et du coup on est moins visible. En plaine, la rivière est large et « plate » et le champs de vision des oiseaux beaucoup plus large…
Mais bon je me fais peut-être des films 😀
Bonsoir Cédric.
Mais vous écrivez très bien !!! et en + vous savez tout,( insectes etc…) Cette gracile bregeronnette est en effet bien mise en scène sur les beaux tons bleus de la seine… j’aime beaucoup.
Des comme ça, je n’en vois pas ici.
Merci Michèle 🙂
J’adore écrire en fait… Quant à tout savoir, j’en suis encore loin : on dira que j’ai quelques connaissances naturalistes 😉
Oui Cédric est souvent modeste ; joli texte et belle posture pour cette bergeronnette, merci pour cette balade.
Reposant ….. et réussi
Superbe photo, comme toutes les autres d’ailleurs. Merci pour cette mise en valeur de notre si belle nature!
S’tell
Bonjour,
Vos photos sont vraiment très belles !!! Et merci d’avoir créé votre livre, il est super, plein d’astuces que je ne connaissais pas !!! 😀 😛
j’aime pas en habitude lire les longues texte, mais celui la m’a attiré jusqu’à la fin, je sais pas pourquoi …
je suis ok avec Antoine photos superbe pouvez nous dire comment vous vous y etes prie
La qualité de l’image est impressionnante ! Il faut vraiment que je songe à investir dans un appareil photo digne de ce nom. Belle découverte en tout cas, je repasserai.
Impressionnante qualité ! Je songe sérieusement à me munir d’un appareil / objectif digne de ce nom, mais les prix volent très haut…