SEMAINE 39 : La bergeronnette mise en "Seine"

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Début d’après-midi : c’est mon dernier jour de vacances, et j’aimerais bien le mettre à profit pour faire quelques clichés sur la Seine. Depuis quelques jours, je reviens sans cesse vers cette petite rivière qui passe à quelques kilomètres de chez moi, avec un débit ne laissant pas imaginer ce qu’elle deviendra quelques centaines de kilomètres plus en aval.
Longeant le petit chemin jouxtant le cours d’eau, je m’imprègne des bruits et des odeurs qui règnent dans ce milieu que j’aime tant. Non loin de là, un pont piéton en arc de cercle, étrangement affublé d’une « fontaine » qui tombe bruyamment dans la Seine, rompt le trajet sinueux de l’eau peu profonde et poissonneuse. C’est un passage obligé pour rejoindre l’endroit où je vais dresser pour la troisième fois en quelques jours mon campement, devant laisser ma voiture sur l’autre rive, au terminus d’un chemin caillouteux.
L’Aube n’étant pas un département très vallonné, il est difficile – impossible ! – d’y trouver des torrents : aussi, lorsqu’une rivière offre à ses hôtes quelques rochers pour former un semblant de « cascades », c’est le photographe qui jubile ! Car l’endroit est bien occupé : le martin pêcheur va et vient, poussant son cri caractéristique et filant comme une flèche bleue devant mes yeux ravis. Le cincle plongeur, lui aussi, passe et repasse, allant et venant se poser ici ou là. Les autres oiseaux ne sont pas en reste : un geai vient prendre son bain sur l’autre rive, profitant d’un petit bras d’eau peu profonde !
Mais celle qui m’attire aujourd’hui, c’est une autre habituée des rapides : la bergeronnette des ruisseaux (Motacilla cinerea). Se distinguant de sa cousine printanière par ses tarses roses à brun – les autres bergeronnettes les ont beaucoup plus foncés – et par sa queue plus longue qu’elle balance frénétiquement, la bergeronnette des ruisseaux est constamment active et vole avec brio au-dessus du cours d’eau, allant et venant à la recherche de larves qu’elle ira pêcher en s’accrochant aux rochers, ses pattes baignant parfois dans l’eau courante.

Bergeronnette des ruisseaux
Bergeronnette des ruisseaux
EOS 5D mark II + Sigma 120-300/2.8 OS à 300mm + Canon x2 III
f/6.3, 1/125ème, 1600 ISO

Assis sur de gros cailloux bordant la rivière, accolé contre un arbre lacustre dont j’ai attaché les branches basses pour avoir un champs de vision acceptable de mon « spot » à bergeronnettes, j’ai choisi de revêtir ma ghillie suit, cette tenue de camouflage si efficace qu’un promeneur peut passer à quelques mètres de vous sans même vous voir… Je n’ai pas trop le choix, l’endroit n’étant pas adapté pour poser une tente d’affût : le terrain est fort pentu, et l’eau que je surplombe, profonde de cinquante bons centimètres, ne m’offre guère d’autres opportunités : j’ai renoncé à venir en waders !
Si la réussite de quelques clichés m’a conforté dans ce choix, je garderai à l’esprit le comportement du cincle, peu enclin à venir se poser sur ces rochers que je le vois tant affectionner lorsque je l’observe à bonne distance : il ne fait nul doute que mon camouflage ne l’a pas convaincu et qu’une tente d’affût aurait été préférable ! Et pourtant, durant mes trois dernières heures d’affût, une jeune poule d’eau viendra maladroitement fouiller la rive face à moi, accompagnée de l’un de ses parents ; une bande de mésanges charbonnières passera 10 bonnes minutes à zinzinuler à quelques centimètres au-dessus de ma tête, dans des ballets incessants entre les branches et les feuillages ; un grèbe castagneux plongera à maintes reprises sur ma droite, juste au-dessus de la petite cascade que je guette : tous ne sont pas si méfiants que le merle d’eau !
Dans les moments creux, j’observe un opilion (araignée à très longues pattes) qui va et vient sur le tronc voisin, accompagné d’insectes variés dont j’ignore le nom. Une libellule « gros porteur » – un Anax empereur – rôde le long des berges, provoquant un incroyable déplacement d’air parfois perceptible à la surface de l’eau ! Des bruissements dans les feuilles, derrière moi, révèlent sans doute la présence d’un petit rongeur.
Doucement bercé par le bruit de l’eau qui s’écoule, je suis bien et je m’endormirais certainement dans la tiédeur de l’après-midi, si je n’étais maintenu éveillé par cette envie de ne pas rater le moment opportun, où l’oiseau viendra se poser là, devant moi : le temps d’une photo…

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