PHOTO : Approche des chevreuils

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19h15 : de camo vêtu, mes affaires prêtes dans la voiture, je pars paisiblement en quête d’une rencontre comme je les aime… Quelques heures auparavant, lors de notre balade familiale dominicale, ce sont pas moins de 6 chevreuils qui seront « levés » et je décide donc de revenir sur nos pas.

Approche de chevreuils
EOS 5D + Sigma 500/4.5 EX HSM, sur monopode,
f/4.5, 1/100ème, 1600 ISO

Par chance, ils sont bien là. 3 magnifiques chevreuils en mue dont cette chevrette et son petit, appelé chevrillard, qui me regardent sans méfiance ralentir en voiture, puis repartir doucement. Il ne s’agit pas de les effrayer !

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L’endroit n’est pas extraordinaire au niveau ambiance, mais il est idéal pour une approche : un bosquet à contourner, 300 mètres seulement de progression à bon vent, un sol relativement silencieux… Autant d’éléments qui achèvent de me décider à tenter une avancée 😉

Je gare donc la voiture 500 mètres plus loin, dans le petit chemin menant à la clairière que je connais bien. Vérification des réglages de mon boîtier, le soleil faiblit, le ciel voilé diffusant une lumière blafarde ne mettra certainement pas mes sujets en valeur, mais ce n’est pas l’important. J’ajuste ma ghillie (je ne porte que le haut puisque je progresserai de toute façon accroupi ou à genoux), fixe un filet sur le 500mm monté sur le monopode sur une Manfrotto 393, une rotule pendulaire basique mais efficace et surtout, bien plus légère et abordable que les célèbres Wimberleys. Ne pas oublier les gants car les mains font très vite tache blanche lorsque l’on évolue dans l’ombre !

Les premiers 100 mètres se font debout, je suis dans le chemin et là où ils sont, ils ne peuvent ni me voir, ni m’entendre, ni me sentir. Je progresse toutefois doucement, stoppant ma progression régulièrement. Tactique payante, une fois de plus, car un sanglier surgira 20 mètres devant moi, alors que je venais juste de m’arrêter comme je le fais toujours régulièrement quand je suis en approche ! Quelques dizaines de seconde d’attente dans l’immobilité la plus totale, et il passe son chemin sans même me remarquer… Je n’ai pas tenté de photos, je risquais surtout de me faire repérer et de provoquer une réaction en chaîne auprès de tous les hôtes de la clairière voisine !

Arrivé en bordure de la percée, il convient d’entamer la seconde phase de l’approche : tout d’abord en pliant légèrement les jambes, puis au premier contact visuel, en avançant accroupi. La progression est lente, il faut surveiller à ce que chaque pas n’aille pas écraser une feuille morte ou briser une branche tombée là où il ne faut pas… Un coucou chante dans l’ombre des arbres. Quelques mésanges charbonnières s’affairent dans l’arbuste voisin, et un troglodyte mignon, dont le chant est autant puissant que l’oiseau est petit, vient même me faire sursauter à un moment où je ne m’y attendais pas, venant se poser à peine deux mètres devant moi sur une branche rebelle qu’il me faudra contourner !

Ayant choisi de garder mes lunettes (habituellement je mets des lentilles de contact quand je fais de la photo sur le terrain), je suis obligé de stopper régulièrement car malgré l’utilisation d’une cagoule camo en filet et donc aérée, la buée venant de ma respiration vient troubler mon champs de vision un peu trop régulièrement. Le fait de porter près de 10 kg de matériel à bout de bras en progressant accroupi n’y est certainement pas étranger ! J’ai appris avec l’expérience que stopper tous les quelques pas permet non seulement d’éviter de se faire trop vite repérer, mais aussi d’économiser son énergie, de garder toute sa concentration sur son environnement et son déplacement, et de reprendre sa respiration : il n’y a rien de pire que d’essayer de cadrer un animal dans son viseur au 500mm lorsque l’on a le souffle court ^_^

Le contact visuel se fait. Il est déjà tard et la lumière a disparu plus vite que je ne le prévoyais ! Je ne peux pas progresser plus vite, au risque de me faire repérer et de réduire à néant tous mes efforts. Donc je prends mon temps. Restent environ 80 mètres à parcourir avant d’être à distance respectable pour envisager réaliser des photographies (qui ne seront de toute façon pas des oeuvres d’art étant donné le milieu, l’état des chevreuils qui sont en pleine mue, et la lumière franchement faiblarde !!!)

À genoux ou accroupi, la progression est lente et difficile. Je bénis les heures d’entraînement passées au karaté à réaliser des exercices en « sikodachi » (jambes écartées et pliées, les cuisses à l’horizontale) car à ma propre surprise, je ne ressens presque pas de fatigue musculaire ! Encore quelques mètres… Le temps passe, je suis au 1/60ème à 1600 ISO à f/5.6 ! Aucune erreur possible, je descends d’ailleurs aux limites de mon objectif à f/4.5, histoire d’assurer un peu plus en vitesse d’obturation (l’absence de stabilisateur se fait rudement ressentir dans ces conditions…)

Un moment d’inattention et mon genou écrase lamentablement une feuille sèche. Le bruit est insignifiant mais mets un instant en alerte la chevrette sans petit : elle regarde dans ma direction. Par chance, l’autoroute non loin de là (à 500 mètres à vol d’oiseau à l’opposé des cervidés) procure une couverture sonore appréciable, portée par le vent (c’est aussi pour cette raison que j’aime venir faire des photos dans ce coin !)

Je décide de stopper ma progression quelques minutes. La chevrette avec son petit s’est couchée dans les herbes hautes, encore clairsemées en ce début de printemps. Il m’est donc difficile de les apercevoir. Je décide de reprendre tout doucement mon avancée, qui se fait désormais à genoux, centimètre par centimètre. Je jalouse un moment ceux qui utilisent des boîtiers à petit capteur avec des optiques légères comme l’excellent 300/4 L IS USM, que j’ai possédé fut un temps (il était alors très facile de progresser sans se fatiguer, en gardant un angle de champs similaire à celui offert par le 5D et le 500mm, le poids en moins !) même si les images qui en ressortent ne sont pas les mêmes en matière de gestion des flous, du modelé et de la profondeur de champs…

Les chevreuils sont à moins de 40 mètres. Satisfait de mon approche, je m’assieds au sol et décide d’attendre. Avancer plus près au travers de la jachère (ancien champs de maïs, avec des brins de paille dépassant du sol) ne fera que révéler ma présence… Au bout de 10 minutes, la chevrette se lève, suivie de son petit. Clac clac ! Quelques déclenchements. J’espère qu’elles seront nettes (l’absence de stabilisateur me fait toujours douter à ces vitesses, même si l’habitude m’a déjà permis de faire des clichés nets au 1/30ème sur monopode avec le 500mm !!!) ; pas de chance, le dernier déclenchement survient à un moment où un silence s’est fait au niveau de l’autoroute voisine ! Je suis repéré…

L’autre chevrette, qui s’est levée, aboie en ma direction. Plusieurs fois. Je décide donc d’observer ce que l’on appelle le quart d’heure d’immobilité. Légèrement affolées, elles font les 100 pas, ne sachant pas si c’est du lard ou du cochon. Au bout de plusieurs minutes, elles sont toujours là, mais sur le qui-vive. Il est temps pour moi de renoncer à faire des photos. De toute façon le crépuscule est là, plus rien ne sera net désormais. Tout doucement, je me mets à reculer. Elles me regardent, je stoppe. 5 minutes de plus sans bouger. Je recule à nouveau. Ce petit manège va durer 20 minutes ! Arrivé à bonne distance, je me lève et retourne toujours abaissé sur mes jambes, doucement vers ma voiture. Elles me regardent sans savoir ce que je suis réellement, aboient encore un coup dans ma direction, mais ne quittent pas pour autant la clairière ! Mon objectif est malgré tout atteint : j’ai pu les approcher puis repartir sans les faire fuir (à défaut de ne pas les avoir dérangées).

Les cuisses congestionnées, fatigué par la randonnée familiale (où j’avais intelligemment emporté « quelques kilos » de matériel !) de l’après-midi, je rentre fourbu découvrir sur l’écran de mon PC les 5 photos réalisées… 1h30 d’effort au total pour une photo médiocre, mais l’essentiel n’est pas là : le plaisir de se fondre dans la nature, de voir évoluer les animaux autour de soi, de sentir toutes ces odeurs subtiles, de disparaître et devenir partie prenante de l’environnement… Aucun doute, je reprends goût à la photo nature !

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