Il existe pour un auteur photographe divers moyens de vendre ses photographies, moyens s’ils sont en théorie complémentaires, peuvent parfois engendrer des situations difficiles quand un conflit éclate. Afin de s’en prémunir, il existe quelques règles de « bonne conduite » ou d’éthique, que tout photographe doit (ou devrait !) respecter…
Les canaux de diffusion de l’auteur photographe
À CONSULTER ÉGALEMENT : Pour en savoir plus sur la vente de photos…
De manière générale, un photographe auteur diffuse ses photos selon divers moyens, concernant les droits d’usage (je n’aborderai pas ici la vente de tirages au titre d’œuvres d’art) ; ces moyens peuvent être (liste non exhaustive) :
- la vente directe (que ce soit en réponse à une demande ou par prospection dans son réseau relationnel)
- le web (vente via son propre site ou via divers sites / galeries sur lesquelles l’auteur expose tout ou partie de ses clichés et qui permettent la mise en relation directe entre le demandeur et l’auteur)
- une agence photo
- un microstock
Chaque canal de diffusion a ses caractéristiques propres, ses avantages et inconvénients en termes de revenus générés, de facilité pour le photographe en matière de gestion, de contrôle de diffusion des images, mais aussi d’effort à fournir pour engendrer la vente. Petit état des lieux :

Il n’existe donc pas de méthodologie idéale pour l’auteur, tout étant question de compromis. Si l’on fait abstraction des critères inhérents à la technique mise en œuvre pour la recherche des clients, on peut considérer les deux premiers moyens de diffusion comme ayant une finalité unique : la vente directe par l’auteur. De fait, ces deux canaux de diffusion des images peuvent sans contrainte aucune être conjointement utilisés puisqu’ils auront le même gestionnaire et la même base « marketing » : l’auteur.
En ressortent trois moyens de vente qui se doivent d’interagir entre eux sans se recroiser, qui feront du système adopté un succès… ou un échec pour l’auteur ! En d’autres termes, on doit considérer que chaque image ne puisse se retrouver que dans un ensemble de « bas niveau » à la fois, et soit correctement gérée au niveau de sa diffusion !

De la gestion des images diffusées
La principale préoccupation d’un auteur photographe, lorsqu’il vend ses oeuvres, est de pouvoir déterminer où, quand et comment les photographies sont diffusées. Et la première règle, essentielle pour respecter de manière infaillible cette hypothèse, est la suivante :
Une photographie ne doit jamais emprunter deux canaux de diffusion différents simultanément.
Un bémol évidemment concernant la vente en microstock, qui de part sa nature, ne permet aucun contrôle sur la diffusion des images. Il faudra donc considérer ce moyen de diffusion pour une certaine catégorie d’images bien précise, à faible coût de production et répondant à un marché de consommation différent des habitudes rencontrée dans l’édition traditionnelle (soit principalement le marché du web : photographies répondant à une problématique précise généralement stéréotypée, avec de faible valeurs de vente s’appuyant sur une diffusion de masse pour amortir le prix de revient)
De là, on peut donc édicter une seconde règle capitale pour ceux qui « travaillent » avec les microstocks :
Toute photographie diffusée en microstock est une photographie sur laquelle le photographe n’a plus aucun contrôle.
En effet, les ventes étant forfaitaires et sans limitations au niveau des usages, il est tout-à-fait plausible de retrouver la même photographie sur un blog amateur comme sur une campagne de publicité nationale (ndlr : à ce propos, je plains le photographe dont la photographie aura été vendue quelques euros en faveur d’une agence de pub qui elle, vendra plein pot des milliers d’euros voire dizaines de milliers d’euros sa prestation au client final !) ; qui plus est, il n’existe à l’heure actuelle aucun moyen réel de contrôler où et comment ont été utilisées les photographies diffusées par ce biais. Il devient alors dangereux de vouloir diffuser soi-même ses images en parallèle, en égard du respect des acheteurs.
À contrario, la gestion des images en agence offre une facilité incontestable de part les ouvertures vers certains acteurs pour le moins intouchables par le photographe seul (cas de certains magazines et maisons d’édition ; j’ai personnellement bénéficié de l’aura de l’agence BIOS PHOTO pour l’obtention d’une parution dans Cheval Magazine, chose tenant de l’impossible en direct). L’autre aspect demeure la gestion réalisée à 100% par l’agence de la partie administrative, ce qui n’est pas sans aider le photographe dans l’organisation de son temps de travail ! Il existe un certain nombre de photographes travaillant avec les agences traditionnelles, qui ont fait le choix justement de laisser l’exclusivité totale de leur travail à leur agence, par mesure de simplicité (en clair : l’agence gère seule les ventes sur leur photothèque !)
Je partage pleinement cette pratique, pour l’ensemble des photographies gérées par l’agence. Cela garantit la bonne entente entre cette dernière et l’auteur, dans un échange « gagnant-gagnant » et permet d’asseoir des relations durables et d’éviter les conflits éventuels (l’exemple typique serait le photographe qui vend une image en droit géré à un magazine… et ferait concurrence à son agence sur sa propre photo !) ; d’où la troisième règle, capitale pour les photographes qui utilisent les services d’agences photo traditionnelles :
Une photographie diffusée en droit géré (en agence) ne doit pas être vendue par ailleurs par le photographe.
On peut donc se reporter au schéma précédent (en occultant la partie microstock) pour les photographes travaillant avec des agences traditionnelles, en se souvenant que les ensembles de photos ne se recoupent jamais ! Au passage, cela sous-entend aussi que lorsque l’auteur photographe a une demande sur une photographie gérée par une agence traditionnelle, il doit transmettre la transaction à cette agence (évidemment 😉 )
Du respect de la profession
Il n’existe à l’heure actuelle aucune référence réelle en matière de tarification, si l’on considère que les barèmes officiels des œuvres en commande de publicité se limitent… à la publicité, et que les barèmes UPC sont d’une part réservés aux membres de l’Union des Photographes Créateurs, et d’autre part demeurent uniquement indicatifs (et parfois très déconnectés de la réalité !) ; néanmoins, il y a des limites à ne pas franchir et la difficulté à évaluer la valeur d’une photographie ne doit en aucun cas faire oublier que c’est son usage qui est facturé, et non sa réalisation technique (je parle bien ici des cessions de droits pour l’illustration photo).
On trouve donc sur le marché de la photographie pour ainsi dire autant de barèmes tarifaires qu’il existe d’auteurs photographes, puisque chacun fait ce qu’il veut… ou ce qu’il peut ! Je conseille pour ma part de se fixer des limites théoriques en matière de tarification, et de ne jamais hésiter à refuser une vente si elle ne correspond pas à vos pratiques habituelles. La tendance du marché est clairement à la baisse (les agences en subissent d’ailleurs les conséquences), que ce soit à cause de la « crise » ou du fait de l’apparition depuis quelques années maintenant, de nouveaux acteurs discount et plus particulièrement des microstocks, dont on connait les pratiques douteuses (vis-à-vis de la loi Française en tout cas !) ; j’applique pour ma part la règle suivante :
Ne jamais vendre à perte, et refuser toute cession de droits sous la barre fatidique des 30 € *
* exception pour les ventes multiples dans certains cas spécifiques : magazines à très faible tirage, etc.
La finalité de cette règle est de ne jamais brader son travail, en respectant celui des autres et en évitant de le dévaloriser. Quand un photographe cède à des tarifs 3 à 4 fois inférieurs à ceux de ses semblables des photographies à une entreprise, quelle qu’elle soit, il contribue à dévaloriser l’ensemble du travail de la profession !
Apparté sur le marché très spécifique du web : la photographie d’illustration pour le web a plusieurs particularités, qui sont entre autres la taille des images diffusées (résolution écran), l’incapacité à mesurer réellement la diffusion réelle des photographies (liée au trafic des sites Internet), et surtout le fait qu’une fois diffusée sur le web, une image devient copiable et donc reproductible à l’infini et sans contrôle (ou presque) dans une certaine mesure pour ce même média. En découle une seconde règle qui si elle n’est pas toujours applicable, devrait être prise en considération (du fait de notre incapacité à contrôler la diffusion sur ce média qu’est Internet !) :
Une photographie vendue pour le web ne « devrait » pas être vendue par ailleurs sur le marché traditionnel
Par ailleurs, au-delà des relations que l’auteur peut avoir avec ses partenaires diffuseurs, il est primordial aujourd’hui de ne pas s’enfermer dans son monde personnel et de privilégier au maximum les synergies entre photographes. Il existe toujours des affinités personnelles entre certains groupes de spécialistes et des collaborations se font naturellement en ce sens, mais il n’est pas rare que surviennent des demandes sortant du champs de compétence habituel de l’auteur, ou plus simplement des demandes sur des sujets non traités et que l’auteur ne pourra honorer dans des délais raisonnables (je parle ici de demandes en illustration).
Entretenir son réseau relationnel avec d’autres photographes permet d’élargir son terrain de jeu et de profiter des synergies qui en découlent : connaître les spécialités de ses partenaires photographes et faire connaître les siennes, ne pas hésiter à transmettre des noms, proposer les marchés sur lesquels on ne peut répondre à ses pairs. Une méthode que j’applique personnellement depuis mes débuts, et qui a toujours porté ses fruits car elle a toujours rapporté quelque chose en retour ! Le tout étant que chacun joue le jeu et ne tire pas systématiquement la couverture à lui 😉
Du respect de ses propres convictions
Au-delà des éléments relatifs à l’acte de vente, nous pouvons prendre en considération nos convictions propres et limiter nos ventes en conséquence. Sans m’étendre sur ce sujet, je ne donnerai que quelques exemples bien parlants :
- que penseriez-vous de moi si je vendais des photographies de blaireaux pour illustrer l’affiche d’un concours de déterrage ?
- que penseriez-vous de moi si vous trouviez mes photos sur une campagne de communication pour le maïs transgénique Monsanto ?
- que diriez-vous si ma plus belle photo de chevreuil était utilisée sur une publicité d’armes de chasse avec un bon gros viseur sur la tête de mon sujet ?
Il est important de prendre conscience de l’image que chaque internaute véhicule maintenant partout dans le monde avec cet outil formidable que vous êtes en train d’utiliser quand vous lisez ces mots ! Au-delà que ses intérêts personnels (business…), le photographe doit respecter ses propres convictions et « s’asseoir » parfois sur quelques revenus pour rester ce qu’il est et éviter de basculer du côté obscur !
À l’heure du web tout puissant, l’information circule vite, très vite, et l’impact que peut valoir un écart du photographe dans ses habitudes et vis-à-vis de l’image qu’il donne de lui, peut être considérable ! L’auteur photographe est un entrepreneur (bien que souvent certains s’en défendent), et il est important de préserver son image et ce que l’on appelle sa e-réputation en évitant les dérapages (il suffit de voir la vitesse à laquelle les rédactions de magazines réagissent lorsqu’elles commettent des « erreurs » !!! L’impact en terme de chiffre d’affaire, s’il n’est pas extraordinaire, peut dans certains cas s’avérer palpable… Il suffit de voir combien il est désormais facile de savoir des choses sur n’importe qui, avec l’essor des réseaux sociaux et des communautés professionnelles !)
Suivre une ligne de conduite en rapport avec ses convictions permet d’entretenir sa e-réputation.
C’est un élément de plus en défaveur des microstocks, qui en omettant le contrôle des ventes des images qui y sont faites, permettent les dépassements de ce genre et peuvent amener à littéralement pourrir la réputation d’un photographe quand ses images sont pour le moins connues dans son « milieu » : contrairement à ce que pensent certains, les pseudos ne permettent pas de masquer indéfiniment son identité !…
Conclusion… De l’éthique du photographe diffuseur
Finalement, le photographe diffuseur qui utilise différents moyens de vente pour capitaliser sa photothèque se voit plus ou moins contraint à respecter quelques règles essentielles, au risque de dévaloriser son image, et par de là son travail photographique. Il n’est pas rare pour beaucoup de débutants de jouer sur le court terme, avec les conséquences que l’on sait derrière. Certaines méthodes de diffusion « faciles » permettent des revenus rapides et réguliers, mais réduisent d’autant la valeur du travail accompli : c’est notamment le cas des microstocks, qui obligent encore et toujours à renouveler le stock photographique de l’auteur, bien au-delà des réalités rencontrées avec les canaux traditionnels de diffusion.
De ce fait, il est aisé de comprendre que l’effort complémentaire à fournir pour les moyens traditionnels (vente directe que ce soit par le web ou non, et vente par le biais d’une agence) permet d’ajouter de la valeur aux photographies ainsi diffusées, puisque finalement, l’exclusivité d’une photographie ne détermine-t-elle pas quelque part sa vraie valeur ?…
À méditer !




