Au fil des mois, les expériences de photographes amateurs ou professionnels se succèdent chez Fotolia et les microstocks, les conflits se dessinent et nous assistons à une recrudescence de problèmes juridiques liés à l’utilisation (que l’on soit photographe ou acheteur !) des images en microstock : que ce soit le plus connu en France, Fotolia, ou le dernier venu, Pixburger, l’obscurantisme est de mise ! Petite analyse du risque que prennent les acteurs de ce « nouveau marché » de l’image…
Côté vendeur
Contre toute attente, les contrats liant le photographe à ces pseudo agences ne sont généralement pas à son avantage, car derrière une tarification risible faisant miroiter une volumétrie de vente pour compenser le manque à gagner sur chaque vente, se cachent des clauses peu glorieuses. Ainsi Didier Vereeck, au travers de son analyse sur le contrat liant les photographes aux dernier venu dans le joyeux monde des microstocks, Pixburger, démontrait délicieusement les (volontaires ?) maladresses se cachant dans les clauses d’engagement entre photographe et « agence »… Au programme, cession à vie des images (!!!) faute de clause stipulant le contraire dans le contrat, interdiction de vente de photos de mêmes séries, licences de vente illégales (en France et en Europe en tout cas, puisque sans limitation géographique et à priori de temps), impossibilité de vendre ses propres images (déposées chez eux) par ailleurs alors que quasiment toutes les VRAIES agences le permettent, ce qui est la moindre des choses !
À CONSULTER ÉGALEMENT : Pour en savoir plus sur la vente de photos…
Chez Fotolia, point d’allusion à tout cela, l’entreprise étant régie par le droit américain (mais ne jugeant pas nécessaire de s’aligner sur les lois respectives des pays où elle « œuvre » impunément…) ; la page dédiée à la propriété intellectuelle ne concerne que les sujets photographiés et n’est pas traduite en français. Quant au respect de citation du nom de l’auteur, il demeure inexistant : lorsque l’on achète une photographie, la réception se fait généralement par email… Email qui ne contient pas l’identité de l’auteur : bien difficile alors d’en respecter le nom conformément à l’article 121-1 du CPI 😐 même s’il demeure quand même un certain nombre de publications qui citent les noms d’auteurs (ou tout du moins : qui y font attention !) ; seulement, quand un français vend par Fotolia une image en France, outre le droit français qui n’est pas respecté, quid des déclarations de cessions de droits d’auteurs ?
Enfin, au niveau fiscal cette fois, combien de photographes « discounteurs » déclarent leurs revenus ?… À combien s’élève le manque à gagner pour l’état français, quand les photographes professionnels eux, s’acquittent de toutes leurs taxes ?… (ndlr : on pourrait extrapoler aux webmasters qui placardent leurs sites de publicités AdSense sans en déclarer les revenus 😉 – ce qui n’est pas mon cas je tiens à le préciser !)
Côté acheteur
Si les inconvénients pour les photographes sont aisément décelables ou en tout cas palpables pour qui prend la peine de lire à tête reposée les C.G.U., ceux côté acheteur le sont sensiblement moins… Et pourtant ! Le risque peut s’avérer énorme, à l’image de ces acheteurs qui se sont retrouvés à devoir payer des sommes conséquentes pour des photos achetées 1 € sur Fotolia !
Lorsque l’on y regarde de plus près, il s’avère que… l’entreprise elle-même ne peut certifier que les images qu’elle vend « libres de droit » le sont réellement ^_^ ; et le pire, c’est que les C.G.U. précisent parfaitement celà !!!
SAUF STIPULATION EXPRESSE DANS CE CONTRAT, AUCUNE PARTIE N’EFFECTUE DE REPRESENTATIONS NI DE GARANTIES, EXPRESSES OU IMPLICITES, COMME LES GARANTIES IMPLICITES DE QUALITE MARCHANDE OU D’APTITUDE A UN EMPLOI PARTICULIER. A DES FINS D’ECLAIRCISSEMENT, SAUF SITPULATION CONTRAIRE PREVUE DANS CE CONTRAT, FOTOLIA NE FAIT AUCUNE DECLARATION OU GARANTIE, EXPRESSE OU IMPLICITE, CONCERNANT LE SITE WEB WWW.FOTOLIA.COM OU LES SERVICES SUR LE SITE WEB WWW.FOTOLIA.COM, LES OEUVRES OU AUTRES MATERIELS OU CONTENU DISPONIBLE SUR LE SITE WEB WWW.FOTOLIA.COM, Y COMPRIS LA GARANTIE DE QUALITE MARCHANDE, D’APTITUDE A UN EMPLOI PARTICULIER, LA NON-VIOLATION DU DROIT D’AUTEUR, DE MARQUES COMMERCIALES OU D’AUTRES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE, LA LIBERTE DE TOUS LES SERVICES, LES TRAVAUX OU AUTRES MATERIELS DE CONTENU, CONTRE LES VIRUS, LES VERS, LES CHEVAUX DE TROIE OU TOUT AUTRE CODE AUX TRAITS HOSTILES, PERTURBATEURS ET/OU DESTRUCTEURS.
Sous ce charabia peu intelligible (traduit directement de l’anglais), comprenez « simplement » que ce que Fotolia vend n’est PAS contrôlé, et que si problèmes vous avez ensuite : démerdez-vous 😀 !
Prenons un exemple concret : l’une de mes photos se retrouve je ne sais comment sur Fotolia. Vous l’achetez et l’utilisez pour un livre ou pire : une centaine d’affiches 4×3 dans les principales villes de France… Je m’en aperçois et donc, je vous adresse « simplement » lettre de mise en demeure + note d’auteur base UPC majorée de 200%… Et bien vous serez OBLIGÉS DE PAYER !!! Évidemment, ceci s’applique aussi pour les biens/personnes photographiées (même si sur ce point Fotolia demande désormais systématiquement des autorisations).
Petit apparté : je tiens à repréciser qu’Internet n’est PAS un supermarché de l’image gratuite, et que Google Images n’affiche pas de photos implicitement « libres de droit ». Une malheureuse gérante d’entreprise en a récemment fait les frais sur l’une de mes images, apparemment trouvée sur un site qui n’était pas le mien et affichée « libre de droit » (facture de quelques centaines d’euros à la clé) : pas par méchanceté, mais par nécessité de faire valoir mes propres droits, n’ayant aucun moyen technique de prouver ou non sa bonne foi.
Pour conclure, un peu de lecture…
Certains diront que je m’acharne, je répondrai que j’informe mon prochain des risques inhérents à la « facilité » de ces entreprises qui prônent le « presque gratuit » et la diffusion à grande échelle. Car vous êtes sur le blog d’un photographe qui a démarré comme amateur, qui le demeure toujours dans l’âme, et qui a pris le temps d’évoluer sans rechercher la gloire à tout prix.
Le marché de l’image subit actuellement une scission avec d’un côté le marché traditionnel de l’illustration avec la presse magazine (je parle des « vrais », pas des torches-c.. qui durent 2 numéros ^_^ ), l’édition, la publicité et la communication d’entreprise (PME, grandes entreprises, collectivités territoriales…), et de l’autre, le marché somme toute émergeant du web et des TPE (à petits budgets), qui n’ont d’autre choix que de se fournir chez ces discounteurs d’images. Il y a donc une place pour les microstocks : ce n’est pas cela le problème ! Le hic, c’est que certaines règles ne sont pas respectées, et que finalement ils « tapent » à tous les râteliers, promettant monts et merveilles à toutes et à tous.
Finalement, je me chagrine de voir chaque jour nombre de jeunes talents tomber dans les méandres de ces systèmes parfois mesquins qui peuvent ruiner un réel potentiel professionnel. Si la vente de milliers d’images chaque jour rapporte effectivement des sommes colossales aux microstocks, ramenées à l’échelle des dizaines de milliers de photographes qui y contribuent, c’est une goutte d’eau dans l’océan… Pour ma part, j’ai fait un choix : celui de vendre au meilleur prix mon travail, ou à défaut de savoir ne pas le brader !
Je lance un appel aux dirigeants de ces sociétés : bien que non concerné directement par la concurrence que génèrent ces entreprises (en photographie de nature, l’iconographie se doit d’être scrupuleusement documentée, au risque de voir de l’illustration ne correspondant pas au texte !
Recherchez « rouge gorge » sur Fotolia et vous comprendrez de quoi je parle 😀 ) je me préoccupe par contre du non respect des règles imposées aux auteurs photographes et des conséquences, à moyen terme, d’un marché tiré vers le bas en matière de tarification. Qu’ils respectent le droit français, qu’ils offrent à leurs acheteurs les garanties nécessaires, qu’ils offrent à ceux qui les font vivre des revenus décents !




